Le texte ci-dessous correspond à la plaidoirie de l'avocat de Saugnac dans le procès qui oppose ce quartier à celui d'Arzet. Un premier jugement datant du 13 août 1751 donnant raison à ce dernier, le Syndic de Saugnac fit appel de cette décision. C'est cet argumentaire qui est reproduit ici avec les particularités de la langue et de l'orthographe de cette époque.
Le Syndic de Saugnac, afin d’établir que les bois n’étoient pas entrés dans le partage de 1704, s’en tint principalement à offrir de prouver que depuis cet acte, tout comme auparavant, la jouiffance indiftincte des bois de l’un & de l’autre côté du Lui, avoit été commune aux Habitans de Saugnac & d’Arzet ; i1 en coarcta une fuite de faits très-preffans mais il n’avoit alors que très-peu de titres.
Le fyftême de Lamieuffens fut de foutenir au contraire, que cet acte de 1704 avoit partagé les bois comme tout le refte, & que d’ailleurs cette divifion ou féparation pour toutes fortes d’objets, par la rivière du Lui, étoit de droit, parce que, difoit-il, anciennement les bois; barthes &- landes étoient poffédés féparément par chaque quartier; & que le Lui en faifoit la féparation.
D’où il concluoit que la jouiffance commune dans laquelle avoient vécu les deux quartiers durant un certain nombre d’années avant l’année de 1704, n’étoit qu’une fimple affociation.
Or, difoit-il, il eft de la nature de toute fociété de pouvoir être diffoute : ainfi, continuoit-il, quand l’acte de 1704 n’auroit pas porté cette divifion, elle devroit être ordonnée.
Afin de foutenir cette idée, les Habitans d’Arzet furent fur-tout fe prévaloir d’une reconnoiffance de l’année 1598, & de quelques expreffions qui fe trouvent dans des statuts de l’année 1624.
Ils ajoutoient que le quartier d’Arzet faifoit une Paroiffe, & que ce quartier ne dépendoit en aucune manière de Saugnac.
Le Syndic de Saugnac fe laiffa furprendre par Lamieuffens.
Comme fi la décifion de cette caufe eût véritablement dépendu de la queftion de favoir fi Arzet étoit ou non une Paroiffe, il porta le fort de fes défenfes à établir qu’Arzet n’a jamais fait un lieu paroiffial.
Il parcourut tous les fignes qui peuvent caractérifer une paroiffe; il prouva bien en effet que cette qualification ne pouvoit pas appartenir à Arzet, car jamais il n’y a eu dans Arzet ni Eglife, ni Clocher, ni pas une efpèce de Service divin, les Habitans d’Arzet n’ayant jamais eu d’autre Eglife que celle de Saugnac, c’eft un point inconteftable; mais le Syndic de Saugnac le prouva trop bien; on dit trop bien, en ce qu’il ne s’attacha qu’à prouver ce feul point, en négligeant la plupart des autres.
Il laiffa principalement à découvert le fyftême d’une affociation entre les deux quartiers, quoique cette idée foit inconciliable avec près de cinquante ou foixante actes anciens.
Dans cet état, & fur le rapport de feu Me Dezeft (dont la Cour n’a pas perdu le fouvenir) fut rendu Arrêt le 13 du mois d’Avril 1751, par lequel Lamieuffens fut reçu oppofant envers l’Arrêt du 12 Août de 1749; & tant fur l’appel interjetté par les fieurs Bedouch & Darrigade, que fur celui interjetté par le Syndic de Saugnac, il fut mis hors de Cour : évoquant & retenant le fond & principal de la caufe, & y faifant droit, il fut fait main-levée à Lamieuffens des arbres coupés du côté d’Arzet.
Au furplus il eft ordonné, « que les bois, comme les autres fonds & biens communs’ de la Communauté d’Arzet, demeureront divifés & féparés des bois, autres fonds & biens communs de la Communauté de Saugnac, par la rivière du Lui, qui en forme, eft-il dit, la féparation; moyennant ce, inhibitions & défenfes font faites aux Habitans de Saugnac, d’ufer en, aucune manière, & rien entreprendre à l’avenir dans les bois & autres biens communs d’Arzet.
Cet Arrêt jugeant ainfi, fans diftinction quelconque que le ruiffeau du Lui forme entre les deux quartiers une féparation abfolue, qui ne laiffe à chacun des quartiers que ce qui fe trouve fitué fur fa rive, a porté un coup mortel aux Habitans de Saugnac, en ce qu’ils ont été privés, non feulement des deux tiers des bois, mais encore de la pierre & de la marne; objets qui leur font fi néceffaires, que l’acte même de 1704, portant partage des landes & barthes, avoit expreffément réfervé ces deux derniers objets fur les landes & fur les barthes, quoique partagées.
Ces Habitans ne tardèrent pas à fentir les préjudices immenfes que leur caufoit cette féparation abfolue; ils fe donnèrent alors divers mouvemens pour rechercher des pièces authentiques, qui puffent démentir les fauffes allégations qu’avoit accumulé Lamieuffens; ils fe confultèrent à Mes Lamothe père, Fourcade & Laval, qui délibérèrent une Requête civile le 7 Août 1752. Depuis ce temps, des circonftances malheureufes ont concouru à en retarder le jugement.
Avant d’entrer dans l’examen des moyens d’ouverture, il eft important de fixer la Cour fur les véritables difpofitions de l’acte de 1704, parce que ce font les difpofitions de cet acte mal préfentées, qui ont pu feules donner lieu à celles de l’Arrêt entrepris.
La Cour, en effet, n’a pu prendre ailleurs que dans cet acte des inductions qui l’aient engagée à penfer que la rivière du Lui dût fervir de limites aux deux quartiers ; aucun autre acte, aucun autre titre que ce foit, n’a pu faire naître une pareille idée.
Il eft donc indifpenfable de connoître en entier toutes les difpofitions de cet acte, d’autant mieux que Lamieuffens, avant l’Arrêt entrepris, fe contenta de le produire & de le fignifier par extrait, afin de furprendre la religion de Me Dezeft, & par ce moyen celle de la Cour; il eut la mauvaife foi de tronquer & de fupprimer les réferves portées par cet acte, ainfi qu’il eft prouvé par la fignification.
Les Habitans de Saugnac, qui n’avoient perfonne à Bordeaux en état de s’appercevoir de cette diffimulation, négligèrent de leur côté de fignifier cet acte tout au long.
La Cour doit d’abord être inftruite d’un fait qui fervira à éclaircir les difpofitions de l’acte de 1704; c’eft que fix Capcazaux d’un quartier voifin, nommé le quartier de Saint-Jean, dépendant de la Paroiffe de Mimbafte, fitué du côté d’Arzet, avoient acheté autrefois de la Communauté de Saugnac & Arzet, un droit d’ufage fur une certaine partie des communaux, appellée le Hayet de deffus; de cette manière, on voit que les trois quartiers, celui de Saint Jean, de. Mimbafte, & ceux d’Arzet & de Saugnac avoient une jouiffance commune relativement à ce canton nommé Hayet du deffus & du debat.
Le droit particulier du quartier de Saint-Jean dans ce canton, donna lieu à des difcuffions entre les trois quartiers au fujet des barthes & des landes, foit parce qu’il n’étoit pas poffible d’établir un ordre pour le fouftrage & l’échalat, foit parce que les Habitans de Saint-Jean pouffoient souvent leurs entreprifes au-delà du terrein où ils avoient droit de fouftrage & de glandage, c’eft-à-dire, au-delà de ce canton circonfcrit, nommé le Hayet du deffus & du debat.
Saint-Jean, Arzet & Saugnac, convinrent de fe fixer ‘d’une manière précife fur ces barthes & landes, ce fut le fujet de l’acte du 15 Avril 1704, paffé entre ces trois quartiers.
1°. Quant aux fix Capcazaux de Saint-Jean de Mimbafte, cet acte leur affignant leur portion de barthes & landes, porte, «qu’ils jouiroient dorénavant, pour ce qui eft de la coupe de la buche & échalat, fougere, bruyere, jonc & matte, depuis trois bondes ou bornes qui furent pofées fur ledit Hayet de deffus ». En ce qui concerne les bois, le même acte porte que les fix Capcazaux de Mimbafte demeureront dans le droit de demander & prendre des chênes fur ledit Hayet de deffus, pour la réparation & bâtiffe de leurs maifons comme par le paffé.
Viennent enfuite les arrangemens pris entre Saugnac & Arzet, relativement aux barthes & landes; il y eft dit que les Habitans de Saugnac fe reftreignent aux barthes qui font du côté de Saugnac jufqu’à la rivière du Lui; & que les Habitans d’Arzet, également aux barthes, fougeres & bruyeres qui font du côté d’Arzet jufqu’à la rivière du Lui.
Cette féparation pour les barthes & landes, ne fut pas cependant auffi abfolue qu’elle femble l’être d’abord. Il eft à remarquer (& cette circonftance n’a pas été développée avant l’Arrêt entrepris) que comme par la féparation du Lui, Arzet auroit eu plus de barthes ou vergnées que Saugnac, il fut convenu que les Habitans de Saugnac & d’Arzet partageroient égalemerit le fouftrage, le jonc & la matte qui fe trouveroit dans un bois appellé de l’Efté, entiérement fitué du côté d’Arzet : ce n’en pas la feule réferve portée par cet acte, ainfi qu’on va le voir.
Ces difpofitions faites, il eft queftion de favoir comment les Habitans de Saugnac & Arzet pourroient faire entre eux, chacun de leur côté, la répartition ou diftribution des landes & des barthes; l’acte de 1704 paffe à cet arrangement, & il fut dit, « que cette diftribution feroit faite à proportion de la taille fupportée par chaque Capcazal. »
Mais en même temps, comme l’intention des Habitans de Saugnac & d’Arzet, n’étoit de fe féparer, même quant aux barthes & aux landes, qu’en ce qui concernoit la bruyere & le fouftrage, le jonc & la matte qui étoient dans ces landes & dans ces barthes, & non pas quant à la pierre & la marne qui fe trouveroient fur ces landes & barthes, il fut convenu que le tout demeureroit commun pour prendre par-tout de la pierre & de la marne comme auparavant, fans que ceux à qui les barthes & portions feroient diftribuées ou marquées, comme on l’a vu, puiffent empêcher; auffi fut-il ajouté, « que les Capcazaliers auxquels feroit faite cette diftribution pour demeurer attachée à leur capcazal, ne pourront fermer ou clore leurs portions, fans 1e contentement des Habitans capitulairement affemblés, afin que chacun en eût l’entrée libre pour la marne & la pierre.
Enfin, fuivant l’ufage de tout temps obfervé, il fut arrêté que les ftatuts communs demeureroient en leur force & vigueur, & feroient renouvellés.
Cet acte ainfi connu, la Cour eft fuppliée de vouloir bien obferver que comme il s’agît ici d’une Communauté, les griefs qu’elle fouffre par l’Arrêt entrepris, fe tournent d’eux-mêmes en moyens d’ouverture de Requête civile, parce que fuivant l’Ordonnance de 1667, titre des Requêtes civiles, article 35, les Communautés jouiffent du privilège des mineurs; il y a d’ailleurs beaucoup de pièces nouvelles & d’autres moyens d’ouverture.
Les plaidoieries ont fuffifamment prévenu la Cour que cette affaire fe réduit à deux queftions principales.
1° Les quartiers de Saugnac & d’Arzet forment-ils un feule & même Communauté, relativement aux communaux, fitués fur l’une & fur l’autre rive du Lui, pour les droits de propriété ?
2° L’acte de 1704 a-t-il fait entre ces deux quartiers une divifion générale & abfolue qui embraffe les bois ?
Les Expofans fe flattent d’établir l’affirmative de la première propofition, & la négative de la feconde. Ils vont les examiner dans le même ordre.
PREMIERE QUESTION.
Saugnac & Arzet ont une propriété commune.
Il eft évident que la Cour, en fixant le Lui comme une barrière qui devoit contenir chaque quartier dans les feuls fonds fitués de fon côté, a dû néceffairement admettre deux préfuppofitions: l’une, que dans les temps primordiaux, les deux quartiers avoient eu chacun une propriété féparé & diftincte d’une partie des bois, chacun de leur côté; & l’autre, que fi dans les temps poftérieurs les deux quartiers avoient eu une jouiffance commune, ce n’étoit qu’en vertu d’une affociation contractée entre les deux quartiers.
Sans cette préfuppofition, on ne peut pas penfer que la Cour fe fût jamais déterminée à divifer généralement les deux quartiers par la rivière du Lui car fans doute, s’il elt clairement établi, s’il eft démontré que la propriété & la jouiffance a de tous les temps, & de mémoire perdue, été indivife, & confondue entre les deux quartiers; fi les bois & les autres fonds ont été de tous les temps un communal dévolu indiftintement aux quartiers 4’Arzet & de Saugnac, on ne peut croire que la Cour ait entendu en faire la divifion; cette idée feroit trop directement oppofée aux regles les plus ordinaires & les plus connues qui établiffent que les communaux ne peuvent jamais être fufceptibles de partage; tous les Habitans doivent alors, dit Legrand, fuivant la cour de Troye art. 168, gl. 2, n. 26, jouir en commun, fans que l’un puiffe provoquer l’autre au partage, ce qui eft, ajoute-t-il, une exception a la règle du droit; nemo invitus in communionem manere cogitur ; il en rapporte un Arrêt qui décida en confequence; que trois Villages ayant droit de pâturage en commun, n’en pouvoient pas faire partage, & qui ordonna qu’ils en jouiroient par indivis; Boniface, tom. 4, liv. 10, tit. 3, ch. 26; Bouvot, tom. 2, v° Communauté, queft. 1ère, tous les auteurs font pleins de femblables Arrêts.
Enfin, l’Ordonnance de 1669, tit. des bois, prés; marais, landes, appartenans aux Communautés, en a fait une loi du Royaume.
Il n’eft pas même néceffaire pour regarder des fonds comme communaux, non fufceptibles de partage, qu’il paroiffe des titres qui les rende communs à tous les Habitans ; il fuffit pour cela qu’on voie une jouifrance commune; immémoriale, ainfi qu’il fut jugé par un Arrêt rapporté par Legrand au lieu cité, qui, fur une difcuffion furvenue entre les Habitans d’un quartier nommé de Vilaines, & ceux d’un autre quartier appellé Laines-Boureufes, ordonna que les Parties informeroient de la jouiffance en fociété & communication de leurs ufages par temps immémorial.
La Cour n’eut donc pu fe décider au partage, que dans le cas où l’on eût vu que dans l’origine les deux quartiers avoient des communaux diftincts & féparés.
Or cette propofition eft en tout & par tout contredite par une foule d’actes rapportés au procès, parmi lefquels, il y en a quarante-fix qui font autant de pièces nouvelles, prenant depuis l’année 1328, jufqu’en l’année 1704. Tous ces actes concourent à démontrer, que de tout temps & ancienneté, les fonds de l’un & l’autre côté du Lui ont été communs aux deux quartiers; & que ces deux quartiers n’ont jamais fait, quant aux communaux, qu’un feul & même corps: on réfutera enfuite les objections des Parties adverfes.
L’exiftence d’une feule & même Communauté, ne peut être contredite fous le feul prétexte que le Lui roule entre ces deux quartiers.
Cette, perfpective femble, il efl vrai, préfenter tout de fuite une divifion, une. féparation d’un quartier à l’autre, & c’eft peut-être là ce qui a le plus influé dans les difpofitions de l’Arrêt entrepris.
Mais cette prévention fe diffipe tout auffitôt, fi l’on obferve qu’il a toujours régné entre les deux quartiers une communication réciproque dans toutes leurs affaires.
D’abord il eft démontré au procès, que le quartier de Saugnac a toujours été le lieu paroiffial des Habitans d’Arzet; c’eft un fait inconteftable, jamais il n’y a eu à Arzet, ni Service divin, ni Chapelle, ni Annexe; en aucun temps, en aucune époque, on n’a vu les deux quartiers agir féparément pour leurs communaux.
Si cet exemple étoit unique dans le Pays, on pourroit le confidérer comme provenant originairement d’une affociation; mais il ne faut que fe tranfporter fur les lieux, & l’on verra toutes les Paroiffes en particulier, que le Lui arrofe jufqu’à fon embouchure dans l’Adour, coupées par le même ruiffeau du Lui, & ne former cependant qu’une feule Communauté quant aux bois, barthes & landes, & quant aux lieux d’affemblées.
L’idée même d’une affociation primitive ne feroit-elle pas tout auffi-bien contredite par l’afpect du Lui, partageant les deux quartiers, que celle d’une Communauté qui auroit toujours été la même ?
Si déterminé par l’afpect de cette rivière, on veut fe former l’idée d’une féparation naturelle des deux quartiers, à quelle fin pourroit-on préfuppofer qu’ils euffent voulu franchir cette borne, & fe communiquer refpectivement leurs poffeffions ? Quel avantage euffent-ils pu en retirer l’un & l’autre ? Car pour induire une affociation il faut fuppofer que l’avantage eût été commun.
Cependant, dans le propre fyftême des Adverfaires, ils font obligés de convenir qu’il y auroit au moins eu une affociation malgré la féparation du Lui. Pourquoi donc cette féparation du Lui feroit-elle un obftacle à ce que les deux quartiers n’euffent formé de tout temps qu’une feule & même Communauté, relativement à leurs poffeffions, fur-tout lorfque l’on voit une chofe femblable dans tout le Pays.
Si l’on jette après cela les yeux fur les deux quartiers, fur les fonds qui les compofent, fur l’étendue de leurs Habitans, l’idée d’une affociation devient encore moins admiffible.
Les bois fitués du côté d’Arzet, font & ont toujours été d’un grand tiers plus confidérables que ceux qui font fitués du côté de Saugnac; c’eft un fait qu’on a conftarnment foutenu, & qui n’eft pas fufceptible de contradition.
La preuve fans réplique s’en trouve confignée dans les propres Statuts, où l’on voit que les arrangemens pris pour la coupe des bois, portent toujours les deux tiers dans Arzet, & l’autre tiers dans Saugnac, parce que la différence de l’étendue refpective des bois exigeoit cette précaution.
Comment donc (à fuppofer pour un moment qu’il ait jamais été un temps où les Habitans d’Arzet euffent été feuls propriétaires des bois qui font de leur côté du Lui, fans que les Habitans de Saugnac y euffent aucun droit); comment pouvoir préfumer que les Habitans d’Arzet euffent affez peu entendu leurs intérêts pour mettre en fociété leurs bois avec ceux de Saugnac, dont l’étendue eft bien moins confidérable ?
Cette feule idée répugne à une affociation; le défaut de vraifemblance devient encore plus frappant, fi l’on confidère le nombre refpectif des Habitans; ceux de Saugnac ont toujours été en nombre double & triple de ceux d’Arzet, Saugnaç étant le lieu où eft bâtie l’Eglife paroiffiale.
Ainfi, non-feulement il faudroit préfuppofer qu’Arzet eût conféré le tiers plus des bois, mais encore qu’Arzet eût admis à la fociété prétendue deux- tiers plus d’Habitans qu’Arzet n’en avoit.
Ces obfervations contradictoires avec l’idée d’une affociation, fe concilient au contraire parfaitement avec celle d’une Communauté qui n’a jamais formé qu’un feul corps quant aux fonds communs: & plus il paroît étrange que les deux quartiers fe fuffent affociés dans cette pofition, s’ils euffent eu des propriétés féparées, plus il eft naturel que leur concours, leur jouiffance indivife, dérive d’une identité de corps & de Communauté; du moins faudroit-il que les Habitans d’Arzet fuffent en état d’établir une formation de fociété par quelque acte, par quelques faits, par quelque circonftance.
La cour, dans différentes affaires qui ont paffé fous fes yeux (relativement au pays de Dax) s’eft convaincue que lorfqu’un quartier a feul la propriété des fonds communaux qui y font fitués, il rapporte toujours des flatuts qui lui font propres & particuliers; on en a vu, il n’y a que peu d’années, un exemple pour le quartier de Quillac & Vielle, dans la Paroiffe de Saint-Paul.
Les Habitans d’Arzet en rapportent-ils de femblables ? font-ils en état d’en citer quelqu’un, avant l’époque qu’il faudroit donner à la prétendue fociété ?
Peuvent-ils même indiquer par aucun renfeignement le temps, à peu près où auroit dû commencer cette fociété alléguée ? Non, de tout temps, de toute ancienneté & de mémoire perdue, on voit les deux quartiers avoir une jouiffance commune, des ftatuts communs, des Gardes communs.
On n’a pu remonter, par les pièces nouvelles, qu’au 12 Mars de l’année 1531.
Le premier acte qui fe rapporte à cette époque, anonce, de la manière la plus authentique, la propriété commune. C’eft un Habitant d’Arzet qui vend & aliene, felon les Fort & Coutume de Dax, à un Habitant de Pouillon, fon droit de capcazal dans les bois & territoire de Sauguac & Arzet.
Vient enfuite l’acte de préfentation de cette vente, préfentation faite aux Habitans de Saugnac & d’Arzet, affemblés pour tenir chapitre ou confeil à. la maniere accoutumée; on offre le droit de retrait aux Abbés par leurs noms, & à tous les autres voifins, comme Conforts.
Les Habitans dirent qu’ils feroient réponfe dans les jours de la Coutume, & dans ce même acte, les Habitans de Saugnac & Arzet déclarent qu’ils n’entendent qu’autre que foi & eux euffent droit fur les bois & padouens.
Voilà donc, en premier lieu, un droit de retrait qui appartient également aux deux quartiers fur les ventes qui peuvent être faites du droit de capcazal dans l’un ou dans l’autre quartier.
Sur quoi eft fondé ce droit de retrait, .fanon fur la copropriété; l’acte parle des Fort & Coutume de Dax; les Habitans répondent conformément à cette Coutume.
Or, quelle eft la difpofition de la Coutume de Dax, tit. du retrait, art. 17, à laquelle on a éludé de répondre; elle déclare « que là où il y a plufieurs Seigneurs utils de même chofe, fi fun des Conforts vend, fa part doit faire préfentation à fon Confort, lequel, après ladite préfentation, a neuf jours pour retirer ».
L’acte de préfentation qualifie les Habitans de Saugnac & d’Arzet de Conforts; il faut donc conclure, & d’après cet acte, & d’après la Coutume de Dax, que les Habitans de Saugnac & d’Arzet font propriétaires ou Seigneurs utils (comme parle la Contume) de tous les bois & biens communaux, puifqu’ils peuvent, fuivant la Coutume, exercer la rétention du droit de propriété, par préférence même au Seigneur direct & lignager.
En l’année 1596 pareil acte : un Habitant d’Arzet vend à un Habitant de Saint-Pandefon fon droit de capcazal dans tous les bois, forêts & padouens communs de Saugnac & Arzet.
Préfentation faite à ces Habitans, fuivant la Coutume de Dax.
Ces actes de préfentation fourniffent une preuve invincible de copropriété entre les Habitans de Saugnac & Arzet, puifque ce font des ventes de droit de capcaza1 ou de propriété, fur lefquels les Habitans de Saugnac & Arzet, comme Seigneurs utils, ont la prélation ou la rétention, conformément à la Coutume.
En l’année 1600 pareils actes : il y en a quatre, & partout on y parle des bois, forêts & padouens communs de Saugnac & d’Arzet.
En’ 1610 autre acte, par lequel un Habitant d’Arzet déclare « que, fuivant les ftatuts faits entre les Habitans de Saugnac & Arzet, il lui avoit été donné une pièce de bois pour fa maifon, qu’il fit couper dans le bois d’Arzet; & comme il n’avoit pas retiré cette pièce, (ainfi que cela efl porté par les ftatuts) il offre de payer l’amende en retirant cette pièce de bois». Le Jurat d’Arzet répond que dans l’affemblée capitulaire des Habitans de Saugnac & Arzet, tenue à Saugnac le 25 Novembre, les Habitans de Saugnac & Arzet ont accordé cette pièce de bois.
En 1611 les Abbés, Jurats & Habitans de Saugnac & Arzet foutiennent un procès conjointement contre les propriétaires des maifons de Maifonnave & de Poublan, Paroiffe de Pouillon, qui prétendaient avoir droit de capcazal.
Il fut là-deffus paffé une tranfaction où les deux quartiers confirment le droit de glandage & padouentage de ces maifons, pourvu qu’ils ne coupent aucun chêne : cet acte eft une délibération capitulaire paffée en commun, & rien n’efl plus propre à confirmer la proprieté commune; car on voit les Habitans des deux quartiers concourir à des actes qui tendent à établir un droit perpétuel fur les poffeffions de l’un & de l’autre quartier : de là fuit qu’ils agiffent véritablement comme copropriétaires. On n’a rien répondu à tous ces actes; cependant il n’en a jamais été queftion avant l’Arrêt entrepris : ce font autant de pièces nouvelles.
Ici fe préfente un acte important, & qui développe parfaitement la copropriété.
En l’année 1614, un Habitant de Saugnac vend fon droit de capcazal à un Habitant du quartier d’Arzet, dans les bois & biens communs.
Voilà qui paroit étrange : car comment eft-il poffible dit-on, qu’un Habitant d’Arzet ait befoin d’acquérir ce droit ? eft-ce que tous les Habitans d’Arzet & de Saugnac n’avoient pas au moins un droit commun ?
Non fans doute, il y a des Habitans dans l’un & dans l’autre de ces quartiers qui ont droit de capcazal, & d’autres qui n’en ont point.
Et c’eft ce droit de capcazal qui caractérife le plus la copropriété des deux quartiers.
Le capcazal eft une maifon ancienne, ou chef lieu qui a un droit fur les bois & communaux. Les maifons anciennes & chefs-lieux ont feuls droit de capcazal; ces Capcazaux ont chacun un nom propre & particulier pris de la maifon à laquelle ils font attachés; un Habitant d’Arzet qui n’en avoit point, voulut acheter un de ces droits, un Habitant de Saugnac voulait fe défaire du lien appellé de la Boudigue ; ils contractent, (le contrat eft rapporté) la vente eft faite moyennant 48 livres tournois, & l’Habitant de Saugnac vend fon droit de capcazal pour, par l’acquéreur, en jouir comme de fa chofe propre faifant Seigneur util & poffeffeur, accordant & confentant qu’il en prenne réelle poffeffion.
Cet Habitant d’Arzet en prend en effet poffeffion le dernier jour du mois d’Août 1614, des mains du Fermier des droits seigneuriaux du Commandeur de Rhodes qui le met en poffeffion réelle, actuelle & corporelle du droit de capcazal, appellé la Boudigue, & ce avec terre & rameau verd, pour en jouir comme de chofe bien & duement acquife.
Le 8 Septembre ce particulier fe préfente (cet acte eft également rapporté) devant les Abbés de Saugnac & Arzet, & les Habitans de l’un & l’autre quartiers affemblés capitulairement près la maifon de Pouy, à Saugnac.
Il y notifie fon acte d’acquifition, & aéle de prife de poffeffion du droit de capcazal, appellé la Boudigue, afin qu’il en jouiffe, fi mieux n’aiment le retenir & lui rembourfer la fomme principale & loyaux-conts.
Le même jour un Jean de Laborde, Habitant de Saugnac; comme voifin, eft-il dit, & Confort audit droit, déclare qu’il entend le retenir pour foi dans les neuf jours de la Coutume.
Ainfi l’on voit qu’un Habitant de Saugnac vend fon droit de capcazal, dans les biens communs, à un Habitant d’Arzet, & qu’un autre Habitant de Saugnac revient fur cette vente, quoique faite à un Habitant d’Arzet.
Et de quoi s’agiffeoit-il? D’un droit de capcazal qui portoit fur les poffeffions communes, indivifes, appartenant uniquement a des Capcazaux situés de l’un et de l’autre côté.
Ces Capcazaux font des droits patrimoniaux héréditaires, qui forment une partie effentielle de la fortune des Habitans capcazaliers.
C’eft pour cela que l’article 3 des flatuts renouvellés en 1624, il eft dit «que quand aucun Habitant de ladite Paroiffe, ayant droit de capcazal, fera vendition de fa part de glandage, il fera tenu faire favoir ladite vendition aux Habitans affemblés en commun, & après cette dénonciation faite, ledit vendeur, enfemble l’acheteur, tenus fe purger par ferment ».
C’eft pour cela auffi que l’article 39 de ces mêmes ftatuts, porte « que chacun Habitant ayant droit de capcazal, pourra couper en certains temps de la buche de bern ».
L’article 55 dit de même, «qu’il fera permis aux Habitans de prendre du bois fec pour leur chauffage, & le pourront couper, pourvu qu’il n’y en ait du verd, & qu’ils aient droit de capcazal, &, eft-il ajouté, s’il en eft trouvé d’autres, n’ayant droit de capcazal, fera permis les expeller comme étrangers, encore qu’ils habitent dans la Paroiffe.
Comme on a voulu induire deux Communautés différentes de ce que les quartiers de Saugnac & d’Arzet ont chacun des Jurats, la Cour eft fuppliée de remarquer que l’article 56 contient ce règlement; «item a été statué & ordonné par les fufnommés, que le Dimanche avant le jour & Fête de la Touffaints fera procédé à l’élection des nouveaux Abbés & Jurats; ceux de Saugnac éliront les leurs enfemble, & éliront un homme pour mander la Befiau quand il fera befoin; & ceux d’Arzet, tout de même; & feront tenus les Habitans d’aller à la Befiau.
C’eft par le même motif qu’il eft ftatué par l’article 48 «que chacun fera tenu de fe trouver à l’Eglife de Saugnac fi-tôt qu’il entendra faire le beffroi en icelle, tant pour les affaires du Roi, que pour chaffer hors toutes bêtes mauvaifes, que pour autres affaires coucernant le bien public.
Enfin, la Cour remarquera que dans l’article 71 de ces ftatuts de 1624, les Habitans de Saugnac & .Arzet parlent des fiefs qu’ils font au Roi (ceci eft relatif à une reconnoiffance antérieure de 1598, dont les Habitans d’Arzet cherchent mal à propos à abufer.)
Six ans après ces flatuts, & en l’année 1630, le 24 Janvier, les Habitans paffent un acte qui ne peut laiffer le moindre doute fur la propriété commune.
C’eft une délibération commune, paffée en la Paroiffe de Saugnac, & au devant la maifon appellée de Pouy, lieu oû les Befiau, Capitou & affemblée defdits Habitans de Saugnac & Arzet ont accoutumé s’affembler; on y voit les Habitans d’Arzet & de Saugnac indiqués chacun par le nom de leur capcazal, «les tous vendent, aliénent, tranfportent purement & fimplement, fans aucun droit de rachat, fuivant les Fort & Coutume de Dax, à Jean de Labadie, habitant de Saugnac, un lopin de terre appellé à Houffats fis & fitué en la Paroiffe de Saugnac, & dans les bois & afforêts communes dont les confrontations font exprimées au bois commun appartenant auxdits Habitans de Saugnac & d’Arzet ».
La préfente vendition faite pour le prix être employé à certaines dettes paffives de ladite Communauté, pour emprunt fait pour raifon de certains francs-fiefs que les Habitans communs de ladite Paroiffe font au Roi.
Dans le même acte, les Habitans payent d’autres dettes communes.
Les Habitans fe démettent & dépouillent, en faveur ‘dudit acheteur, de la détention & occupation de la pièce de terre, ils l’en ont faifi & vêtu, fait & créé Seigneur & poffeffeur.
Les Habitans vendeurs, mettent & appofent cinq fols de fiefs, garentiffent ladite vendition fuivant leurs droits de capcazal.
Le fecond du mois de Février fuivant, les mêmes Habitans, au même lieu du Pouy, donnent quittance du prix.
Eft-il poffible de trouver rien de plus fort pour caractérifer la propriété commune ?
Ce font les Habitans de deux quartiers qui vendent; qui aliènent une pièce de terre commune, qui en tranfportent la propriété : ils avaient donc une propriété commune, un droit dans la chofe.
Ce font les Capcazaliers de l’un & de l’autre quartier qui vendent; ils vendent donc en vertu de leur droit de copropriété.
C’eft à un Habitant de Saugnac, que les Capcazaliers de Saugnac & d’Arzet font la vente; & la vente concerne un fonds fitué à Saugnac.
Il eft donc prouvé & démontré que la propriété des communaux eft affectée à des Capcazaliers & que ces Capcazaliers font des Habitans de l’un & de l’autre quartier; ce qui fe réfère parfaitement aux difpofitions contenues dans les ftatuts de 1624, dont on a fait l’analyfe plus haut.
Eh quoi ! (les Habitans d’Arzet font priés de répondre à ceci) s’il étoit vrai que les Habitans de Saugnac euffent feuls été propriétaires de tout ce qui eft de leur côté du Lui, & que réciproquement les Habitans d’Arzet l’euffent été de tout ce qui eft au delà de la rive du même ruiffeau, (car c’eft ce qu’il faut fuppofer dans leur fyftême d’affociation) verroit-on les Habitans d’Arzet concourir à la vente d’un fonds commun fitué à Saugnac ? les verroit-on participer au prix de la vente, dire que ce fonds leur appartient ? Les Habitans de Saugnac ne l’euffent certainement pas fouffert; ils euffent feuls perçu l’émolument de cette vente, comme feuls propriétaires.
Voici un autre acte auffi expreffif. En l’année 1645, les Habitans de Saugnac qui avoient été foulés par les gens de guerre, avoient été obligés de contracter quelques dettes; en l’année 1641, ils implorent l’autorité fupérieure de la Cour; ils ont l’honneur de préfenter une Requête au Parlement de Bordeaux, expolitive de leurs ftatuts & demandent la permiffion de vendre quelques pièces de fonds communes.
La Cour touchée de leur état leur accorda, le 26 Novembre 1641, un Arrêt qui le leur permet. Cet Arrêt eft référé dans l’acte dont on va parler.
En conféquence les Habitans de Saugnac vendent ces fonds par acte du 15 Mars 1645, limités & marqués, eft-il dit, en compagnie des Habitans du quartier d’Arzet.
Et où étoient fitués ces fonds ? Du côté d’Arzet; c’eft ce qui eft établi, non-feulement par les confrontations, mais encore,(& d’une manière qui exclut toute contradiction) par l’acte fubféquent.
C’eft un acte du 17 Septembre 1645, par lequel les Abbé & Jurats d’Arzet mettent en poffeffion l’acquéreur de ces pièces de terre, fituées (eft-il dit) dans la Paroiffe d’Arzet.
Peut-on douter après cela, de la copropriété des Habitans de Saugnac fur les fonds d’Arzet ? C’eft le Parlement qui, en 1641, leur permet, par une raifon publique & fupérieure, de vendre des fonds du côté d’Arzet.
La Juftice fouveraine de la Cour le leur eût-elle permis, s’ils n’euffent été copropriétaires de ces fonds ? Non fans doute, elle n’eût pas donné à ces Habitans la liberté de vendre des fonds fur la propriété defquels ils n’euffent eu rien à voir.
Peut-on croire qu’ils euffent furpris cette permiffion fur des faux expofés ? Mais qu’on veuille donc confidérer l’exécution de l’Arrêt de la Cour, & la manière dont elle a été faite.
Les Habitans de Saugnac font la vente par un acte public; ils y rappellent l’Arrêt qu’ils en avoient obtenu du Parlement.
Cet acte ne fut point tenu fecret vis-à-vis des Habitans d’Arzet; tout au contraire l’acquéreur le leur dénonce.
Les Habitans d’Arzet, bien loin de faire aucune difficulté, concourent à l’exécution de cette vente; & comme les fonds étoient fitués du coté d’Arzet, ce font leurs Abbés & Jurats qui mettent l’acquéreur en poffeffion réelle & corporelle.
Si ces actes geminés, fi des titres foutenus par l’autorité d’une Cour fouveraine, ne font pas des preuves de propriété, il ne fera jamais poffible à une Communauté de conferver fes droits, quelques refpectables qu’ils puiffent être.
Penfe-t-on que fi la Cour eût connu tous ces actes, les Habitans d’Arzet fuffent jamais parvenus à furprendre de fa religion l’Arrêt entrepris.
Les Habitans d’Arzet les connoiffent bien ces actes, puifque c’eft un propre Habitant d’Arzet, qui, convaincu du tort fait à ceux de Saugnac, les leur a indiqués depuis l’Arrêt entrepris; en forte que ce font autant de pièces nouvelles dont on n’a jamais dit mot dans les défenfes de ces Habitans; & l’on fent tout le poids & toutes les conféquences de ces pièces.
L’année 1679, (& c’eft une autre pièce nouvelle dont on n’a jamais parlé!) préfente une délibération capitulaire des Habitans de Saugnac, & du quartier d’Arzet, par laquelle ils accordent la jouiffance des padouens du quartier d’Arzet au propriétaire de la maifon de Daillengs, fife dans Saint-Jean de Mimbafte, pour en jouir comme les autres Habitans du quartier de Saint-Jean, laquelle jouiffance; eft-il dit, avoit été vendue par les Habitans dudit Saugnac & Arzet aux Habitans de Saint-Jean.
Cet acte eft une délibération capitulaire, fur laquelle les Habitans d’Arzet ne peuvent tergiverfer, & cette pièce concourt précifément à établir la propriété, dès que les Habitans de Saugnac & Arzet vendent conjointement, & accordent la jouiffance des padouens d’Arzet à une maifon de Saint-Jean de Mimbafte.
En 1691 les Habitans de Saugnac & Arzet font une délibération capitulaire (toujours à Saugnac), ils y expofent qu’il fe commet beaucoup d’abus dans la Communauté de Saugnac & Arzet, & qu’il eft bon de remettre leurs Statuts en vigueur.
En conféquence ils les renouvellent, ils n’y parlent, comme dans tous les autres, que d’une feule Communauté; ce font les mêmes difpofitions que celles contenues dans le ftatut de 1624 qu’on a expliqué.
Nous voilà parvenus à l’époque de 1704; c’eft-à-dire à cet acte par lequel on prétend que les quartiers de Saugnac & d’Arzet fe font refpectivement féparés par le Lui, pour tous leurs droits & prétentions quelconques, barthes, landes, terres & bois : les équivoques dans lefquels on fe renferme font très-aifés à diffiper.
Mais comme la queftion de la propriété eft la partie effentielle de cette caufe, on va auparavant répondre à un ou deux actes par lefquels on a cru pouvoir échapper aux conféquences directes de cette fuite de titres dont on vient de faire l’expofition.
Ce font ces deux actes qui ont vraifemblablement donné lieu à la difpofition de l’Arrêt entrepris; c’eft fur ces deux actes que portèrent, durant le procès les principaux efforts des Habitans d’Arzet.
Et comme les Habitans de Saugnac n’avoient pas alors cette foule de titres qui viennent d’être déduits, il n’eft pas furprenant que les Habitans d’Arzet euffent pu faire illufion.
L’un eft de l’année 1508, & l’autre de 1658; mais il ne faut que les rapprocher des actes qu’on produit actuellement, pour faire fentir la foibleffe des conféquences qu’on veut tirer de ces deux pièces.
La première eft une reconnoiffance du 18 Décembre 1698, par laquelle on prétend que les Habitans d’Arzet reconnurent feuls en faveur du Roi : de là l’on tire, & l’on tiroit, avant l’Arrêt, de grandes conféquences de propriété particuliere.
Mais on ne voit point qu’il y ait eu à ce fujet de délibération capitulaire des Habitans d’Arzet, on voit feulement les deux Jurats de ce quartier qui feuls, fans s’affembler, fe rendent à Dax, & confentent cette reconnoiffance ifolée, en préfence (eft-il dit) du Contrôleur général du Domaine; de Bertrand de Lalande, Procureur du Roi au Siège de Dax; & de Jean Gaffies, Receveur général du Domaine.
En premier lieu, la conféquence qu’on veut tirer de cette reconnoiffance, (dont on ne voit point les fuites) eft démentie par cet acte antérieur de l’année 1531, dont on a parlé, qui eft un acte capitulaire des deux quartiers; acte dans lequel les Habitans de Saugnac & d’Arzet déclarèrent conjointement qu’ils ne renconnoiffoient point d’autre Seigneur que le Roi pour leurs bois & padouens.
Elle eft démentie par un autre acte commun aux deux quartiers, avec cette circonftance qu’il eft poftérieur à la date de la prétendue reconnoiffance de 1598; ce font les Statuts de 1624 art. 71, où les Habitans adjugent conjointement au Roi la quatrième partie des amendes.
Enfin, par les contrats de vente de 1630 & 1645; où les Habitans de Saugnac & Arzet conjointement, affectent deux fiefs particuliers au Roi fur deux pièces communes dont on faifoit la vente.
Ce font là autant d’actes nouveaux, bien fupérieurs fans doute à la prétendue reconnoiffance de 1598; délibérations capitulaires, actes antérieurs & poftérieurs, actes dans lefquels parlent tous les Habitans de Saugnac & d’Arzet.
Mais à fuppofer que cette reconnoiffance fût authentique, pourroit-elle donc fervir de titre aux Habitans d’Arzet pour en faire reffortir une propriété particuliere.
Les Habitans d’Arzet auront, fi l’on veut, paffé cette reconnoiffance; mais cela leur acquiert-il la propriété; s’il eft prouvé qu’antérieurement & poftérieurement à cette reconnoiffance, la propriété a été commune aux Habitans de Saugnac ? Or c’eft ce qui ne peut fouffrir de difficulté d’après les actes multipliés qu’on a fait connoître; des ventes des Capcazaux, des Préfentations, des aliénations de fonds dans & dans l’autre quartier : des Arrêts de la Cour qui les permettent aux Habitans de Saugnac le 26 du mois de Novembre 1641, poftérieurement par conféquent à la prétendue reconnoiffance de 1598.
Dans des circonftances pareilles n’a-t-on pas eu raifon de citer la règle fi connue: profeffio cenfualis vero Domino non nocet ? Cet acte de 1598 ne mérite donc nulle attention.
Venons au fecond acte de 1656, paffé entre les deux quartiers; il s’étoit élevé des conteftations, dont voici le fujet pris de l’acte même.
Les Habitans de Saugnac avaient propofé demande, (c’eft-à-dire, fait affigner) devant le Prévôt royal de Dax, les Habitans d’Arzet, aux fins de fe faire adjuger dans la perception des amendes, dues à raifon des contraventions, une plus forte fomme qu’à ceux d’Arzet, & la raifon qu’ils en donnoient, c’eft qu’ils avoient plus de Capcazaux.
Les Habitans d’Arzet répliquoient, que comme ils étoient féparés par le Lui, qu’ils avoient leurs Jurats & Abbés particuliers, & les bois & afforêts, & autres biens communs, il étoit évident qu’ils devoient être mis au pair, fans qu’il fut donné à l’un plus qu’à l’autre aucun avantage.
Auxquelles défenfes les Habitans de Saugnac répondoient qu’ils avoient toujours pris plus grande portion aux amendes que ceux d’Arzet ; & de plus, que les bois de l’Efté étoient à eux en particulier.
En conféquence, ils concluoient à ce que les Habitans d’Arzet fuffent tenus à leur repréfenter certaines fommes pour être partagées entre les Habitans dudit Saugnac & Arzet à proportion des Capcazaux, car on revient toujours là.
C’eft là-deffus que les Habitans d’Arzet, pour replique difent, qu’attendu que par ce moyen les Habitans de Saugnac fe démettent de la fociété par leurs auteurs faite, ils y confentoient.
Il eft dit enfuite, que le procès ainfi engagé, étoit intervenu Appointement, portant que pour faire droit aux Parties, il feroit fait defcente & tranfport fur les lieux à fraix communs.
Les chofes dans cet état, les deux quartiers fe pacifent, il eft convenu que les amendes feroient partagées par moitié, confentant, eft-il dit, que leurs conforce & fociété précédemment faites par leurs auteurs, forte fon plein & entier effet.
Voila donc cette grande .preuve d’une fociété, voila fur quoi on la fonde; mais qui ne voit que le terme de fociété qui y eft inféré, n’a trait qu’aux difcuffions qui s’étoient élevées entre les deux quartiers; le partage des amendes formoit l’objet de leurs conteftations; les Habi-, tans de Saugnac en veulent une plus grande portion parce qu’ils avaient un plus grand nombre de Capcazaux, ce qui fe rapporte toujours à la propriété; les Habitans d’Arzet, au contraire, prétendoient avoir portion égale; ils difoient pour cela que le Lui les féparoit, qu’ils avoient des Abbés particuliers; cela vouloit dire qu’ils étoient obligés de veiller à la confervation de ce qui étoit de leur côté du Lui; qu’à cet effet ils étoient obligés d’avoir des Abbés pour le maintien des communaux, qu’ainfi il étoit jufte .que concourant par moitié aux foins qu’exigeoient les communaux, ils partageafrent les amendes par moitié; & cela étoit en effet d’autant plus jufte, que les bois du côté d’Arzet font d’un tiers d’étendue plus confidérables que ceux de Saugnac : c’eft là le feul fens naturel de cet acte.
Mais de prétendre que par là les Ilabitans avoient véritablement caractérifé une fociété, c’eft ce qui eft impropofable.
Il ne faut que jetter les yeux fur le fujet de cet acte & fur fa contexture, confentant que leur conforce & fociété précédemment faite par leurs auteurs, forte fon plein & entier effet, & qu’au moyen de ce; ils jouiffent des amendes & pignorations par moitié.
En premier lieu, ces termes de leur conforce & fociété s’expliquent très-naturellement en l’entendant des difpofitions prifes dans les ftatuts, relativement à l’adminiftration des bois, à la Police, & cela eft fi vrai, qu’il eft dit qu’au moyen de ce, ils doivent jouir des amendes & autres pignorations entr’eux, par moitié; ces dernières expreffions déterminent le fens, & font l’explication du terme de fociété, d’autant mieux que l’objet de la tranfaction, c’eft l’adminiftration; ce font les amendes, & point du tout la propriété des bois & communaux.
En fecond lieu, il ne feroit pas poffib1e de concilier les termes de conforce & de fociété pris dans un autre fens, avec tous ces actes fi énergiques, qui démontrant une propriété commune, avec ceux qui précèdent celui de 1656 & dont on fait le détail.
Ainfi, fi l’on .veut fçavoir ce que les Habitans ont entendu dire par le conforce & fociété précédemment faite entre leurs ancêtres, il faut recourir aux temps antérieurs, & voir fi ce qui s’eft paffé dans la Communauté eft compatible avec une divifion de propriété, ce qui n’eft pas ainfi qu’on l’a établi par tant d’actes.
A quoi on ajoute, qu’aucun de ces actes antérieurs & poftérieurs à la tranfaction de 1656, ne parle en manière quelconque d’affociation.
Les actes de 1531 n’en font point mention; les ftatuts murement réfléchis, où l’on pèfe tout, où l’on règle tous les droits, n’en difent mot : or, s’il y avoit eu une fociété, feroit-il poffible que tant d’actes, tant de délibérations capitulaires n’en parlaffent pas.
Si l’objet de la tranfaction de 1656 eût été la propriété, il eut été ftipulé que la convention & fociété précédemment faite par leurs auteurs, fortiroit fon plein & entier effet, & qu’au moyen de ce, ils jouiroient par indivis des bois & communaux; voilà comment fe fût expliqué l’acte, alors la convention & fociété feroit véritablement relative à la propriété; rien de tout cela n’a été dit.
Cet acte de 1656 ne fauroit donc détruire la propriété des Habitans de Saugnac fur tous les bois & communaux du côté d’Arzet; & tout au contraire, les Habitans du quartier d’Arzet y déclarent eux-mêmes dans la narrative, que tous les bois, forêts ou autres ‘biens, font communs entr’eux, ce qui eft foutenu par tant de titres.
Enfin de quelle maniere, fous quelque rapport qu’on voulût envifager les termes de fociété, il n’en feroit pas moins vrai que l’Arrêt entrepris ne fauroit être foutenu, ni dans le fond, ni dans la forme.
Pour le fond, parce que fi l’on veut fuppofer une fociété, il faudroit au moins favoir auparavant ce qui feroit entré dans cette fociété, les objets dont elle eût été formée de part & d’autre, les nombres des Capcazaux, d’autant plus que dans l’acte même de 1656; on voit que les Habitans de Saugnac faifoient valoir précifément leur plus grand nombre de Capcazaux.
On voit de même dans cet acte de 1656, que les Habitans de Saugnac prétendoient que le bois de Lefté qui eft fitué du côté d’Arzet, leur appartenoit en particulier; il eût donc fallu s’inftruire de ce fait, mettre les Parties à même d’éclaircir leurs droits, comme le Prévôt de Dax l’avoit jugé en 1656, en ordonnant une defcente fur les lieux.
Par quelle circonftance l’Arrêt entrepris, rendu au rapport de feu M. Dezeft, fe trouve-t-il donc déterminer d’office, & même fans les conclufions de Mrs les Gens du Roi, une féparation totale & abfolue par le Lui.
On dit plus, contre la propre teneur de l’acte de 1656, qui portoit au moins que la convention & fociété précédemment faite par leurs auteurs, fortiroit fon plein & entier effet. Étant prouvé que la propriété étoit commune, que les deux quartiers n’ont jamais fait qu’une feule & même Communauté, l’Arrêt entrepris fe trouve encore oppofé à l’Ordonnance de 1669, qui prohibe le partage des Communaux.
Inutilement a-t-on dit que l’Ordonnance, tit. des bois, prés, marais appartenans aux Communautés, art. 4, a mis une différence entre les communaux tenus à titre gratuit, & ceux tenus à titre onéreux; qu’à l’égard des premiers, elle permet le partage.
Perfonne n’ignore que la difpofition de cet art. n’eft relative qu’au Seigneur, lorfqu’il veut demander ce qu’on appelle triage, cantonnement ou diftraction. Une Communauté paye-t-elle quelque cens, quelque redevance, quelque preftation ou fervitude, dit l’Ordonnance, « le Seigneur ne peut point demander de triage, de cantonnement; ce n’eft que dans le cas où les bois feroient de la conceffion gratuite du Seigneur fans aucune charge; & encore, afin que ce triage ait lieu, faut-il qu’il paroiffe qu’aprés cette diftraction Seigneuriale, les deux tiers des communaux fuffent fuffifans pour l’ufage de la Communauté, fans quoi les communaux, euffent-ils même été concédés par le Seigneur à titre gratuit, ne pourroient être affujettis à ce partage».
Mais quelle relation y a-t-il de cette difpofition de l’Ordonnance, à l’hypothèfe de cette caufe ? S’agit-il ici d’une Communauté qui eût à fe défendre d’un triage demandé par un Seigneur ?
En vain encore a-t-on excepté que la prohibition de l’Ordonnance fur le partage, ne s’entend que du partage des communaux d’une même Communauté, & non pas de la féparation des communaux de deux Communautés, d’où l’on a conclu que l’application de l’Ordonnance eft une pétition de principe. Mais n’eft-on pas en droit de faire aux Adverfaires le même reproche de pétition de principe, puifqu’il eft prouvé que Saugnac & Arzet ne forment & n’ont jamais formé qu’une feule Communauté par rapport aux communaux qui font de 1’un & de l’autre côté du Lui, dès qu’il eft établi que la propriété a toujours été commune.
C’eft cette identité de Communauté, cette propriété indivife qui fait le fond de la caufe; mal-à-propos s’eft-on flatté de brouiller les idées à cet égard, en recourant à des inductions étrangères.
On eft encore revenu à prétendre qu’Arzet eft une Paroiffe; quand cela feroit, la circonftance feroit indifférente, parce que la diftinction des Paroiffes trait qu’au fpirituel, & que rien n’eft plus ordinaire que de voir des Paroiffes différentes pofféder conjointement les mêmes communaux; mais d’ailleurs le fait a toujours été une fuppofition gratuite de la part des Habitans d’Arzet, étant confiant qu’ils n’ont jamais eu d’autre Eglife que celle de Saugnac; & l’on en voit la preuve dans plufieurs des actes qu’on a rappellés, & dans un Arrêt de la Cour du 17 Juillet 1671, (qui eft une piece nouvelle) où les Habitans d’Arzet ne font qualifiés que d’Habitans du quartier d’Arzet, & ils plaidoient conjointement contre le Curé de Saugnae.
Que fert encore d’argumenter de l’impofition de la taille faite fur des rôles féparés ? Ne fait-on pas que ces diftributions de rôles dépendent des arrangemens que peut prendre M. le Commiffaire pour la facilité de la perception ?
Ces Jurats ou Abbés ne font que des Prépofés pour l’adminiftration. Et d’ailleurs, comme le Lui paffe entre les deux quartiers, que du côté d’Arzet il y a beaucoup de communaux, il fallait bien, pour l’intérét commun qu’il y eût à Arzet des Abbés & des Jurats qui puffent y furveiller. Ceux de Saugnac n’euffent pas été fuffifans pour remplir cet objet, ils n’euffent pas été à portée de tenir la main à l’ordre & à la régie de l’un & de l’autre côté du Lui; & c’eft pour cela que les ftatuts de 1624, en l’article 55, contiennent un réglement à cet égard.
Quel rapport peut avoir avec les communaux le tirage de la Milice ? Ces difpofitions arbitraires dépendent des Subdélégués, & ne concluent rien; tantôt on tire enfemble; tantôt féparément, & le dernier tirage a même été fait en commun.
Enfin, que peut fignifier une dernière objection des Habitans d’Arzet ? Par un Edit de 1639, on expofa en vente & aux enchères la haute, moyenne & baffe Juftice de la Prévôté royale de Dax, avec tous les droits qui pouvaient en dépendre.
La Prévôté royale de Dax étoit un Tribunal très-ancien, dont la Coutume de Dax fait mention; cette Cour royale étoit cornpofée du Prévôt, du Lieutenant & du Procureur du Roi ; fon diftric contenoit trente Paroiffes, dont le Roi eft Seigneur direct Haut-Jufficier : c’eft cette Prévôté qu’on expofa en vente en l’année 1639; les befoins de l’Etat ont fouvent exigé qu’on recourût à de pareils moyens pour fe procurer des reffources; auffi, afin d’engager les diverfes Communautés à fe racheter du changement de ce Tribunal, eut-on le foin de leur accorder la préférence.
Les Communautés préférerent en effet d’être gouvernées immédiatement par les Officiers du Roi, comme par le paffé : elles s’impoferent.
Les Habitans de Saugnac & Arzet fe racheterent comme ceux des autres Paroiffes; en forte que les chofes refterent fur le même pied.
Lamieffens, qui tirait parti de tout, fit fignifier, dans le cours du procès, un extrait du verbal des encheres qui avoient été ouvertes le 4 Juin 1641; dans ce verbal font compris les divers cantons & Paroiffes fitués dans la Prévôté royale de Dax, qu’on expofoit en vente; Saugnac eft, dit-on, relaté vers le commencement, & Arzet eft relaté à la fin; il y a entre eux, dans ce verbal, beaucoup de Paroiffes intermédiaires; & de-là on induit une divifion & féparation entre Saugnac & Arzet.
On pourroit conclure de même, que toutes les Paroiffes dont le nom eft référé dans le verbal, entre le nom de Saugnac & Arzet exiftent véritablement entre Saugnac & Arzet, tandis qu’ils ne font féparés que par le Lui, & que les Paroiffes étrangeres font l’une d’un côté, l’autre de l’autre.
On ne fuivit, dans ce verbal, que le rôle de la taille; fans autre diftinction; & cela eft fi vrai, que Bedcoffe & Narroffe, qui ne compofent cependant qu’une même Communauté; Talaureffe & Garrey, & qui ne forment également qu’une même Communauté, font relatés féparément dans le verbal.
Rien de tout cela n’eft donc afférent aux communaux; & l’on ne peut fe difpenfer d’en revenir aux diverfes preuves nouvelles de l’identité de Communauté de Saugnac & d’Arzet, & de la copropriété.
SECONDE QUESTION;
L’acte de 1704 ne comprend point les bois, & porte même des réferves fur les barthes & fur les landes, qui forment le feul objet du partage.
La copropriété a-t-elle ceffé, a-t-elle pu ceffer par l’acte de 1704 ? Cet acte porte-t-il un partage abfolu de tous les objets compris dans les communaux ? Le Lui devoit-il former une barriere abfolue & une féparation indéfinie aux deux quartiers ?
La vraifemblance, la teneur de l’acte & l’exécution qui l’a fuivi, démontrent le contraire. La propriété une fois établie, pourroit-on penfer, quand même il y auroit quelque doute (ce qui n’eft pas); pourroit-on penfer que les Habitans de Saugnac fe fuffent démis de tous leurs bois qui fe trouvent du côté d’Arzet ? La Cour a préfenté l’obfervation qui a été faite ci-deffus fur la plus grande étendue de bois du côté d’Arzet, & fur le plus grand nombre d’Habitans à Saugnac : ainfi, tout comme pour préfuppofer une fociété primitive des deux quartiers, il faudroit choquer les loix de la vraifemblance, attendu que ceux d’Arzet n’euffent pas mis en fociété avec Saugnac, des fonds beaucoup plus confidérables que ceux de Saugnac; de même la copropriété prouvée, on ne peut, fans offenfer la vraiffemblance, préfuppofer que ceux de Saugnac euffent abandonné des fonds beaucoup plus confidérables que ceux qui font de leur côté du Lui, & des fonds parmi lefquels il y en a plufieurs dont le produit eft d’une néceffité encore plus urgente pour ceux de Saugnac que pour ceux d’Arzet, principalement la marne & la pierre; la teneur de l’acte eft inconciliable avec un partage général, & ceci fe prouve en deux manières.
En premier lieu, il eft évident, à la lecture de l’acte, qu’il ne comprend que le partage des barthes ou bernedes, & celui des landes, fans toucher aux bois, ainfi qu’il fera établi ci-après.
Mais le propre acte de 1704 contient des réferves expreffes, même fur les barthes & les landes relativement à divers objets; on n’à jamais répondu là-deffus.
La première réferve eft expreffe en ce qui concerne la pierre & la marne, en voici les termes : « & quant à la pierre & marne qui fe pourroient trouver dans lefd. landes & autres lieux, le tout demeurera en commun pour en prendre par-tout ».
Ainfi voilà bien clairement la marne & la pierre réfervée au quartier de Saugnac dans le quartier d’Arzet; il n’eft donc pas vrai que les deux quartiers foient bornés au Lui, même relativement aux barthes & landes qui faifoient le feul objet du partage.
La marne & la pierre font d’une néceffité preffante pour les Habitans de Saugnac, qui n’en ont point, & cependant l’Arrêt les en prive.
Une autre réferve eft celle-ci; comme par la féparation du Lui pour les landes & pour les barthes, Arzet auroit eu plus de fouftrage, de fougere, de jonc & de matte que ceux de Saugnac, on convint «qu’on laifferoit dans Arzet un feul endroit commun pour ces objets; cet endroit fut le bois de l’Efté, entiérement fitué du côté d’Arzet ».
Cette réferve a été également enlevée aux Habitans de Saugnac par l’Arrêt entrepris dans la préfuppofition d’un partage général, car Lamieuffens eut la mauvaife foi de ne faire fignifier cet acte que par extrait; & les Habitans de Saugnac étoient défendus comme le font pour l’ordinaire les Communautés.
En fecond lieu, l’Arrêt entrepris ne s’eft point arrêté à ces réferves, fes difpofitions vont bien au-delà : l’acte de 1704 ne parle directement, ni indirectement des bois ; il n’y eft en tout & par-tout fait mention que des barthes, landes & padouens, & l’on fait que les aétes font de droit étroit.
Cette regle du droit eft fur-tout recommandable lorfqu’il s’agit d’une Communauté, & que l’extention des termes d’un acte tendroit à l’exproprier des fonds auffi confidérables, auffi effentiels que les bois.
L’acte de 1704 marque fon objet, en difant que les Parties ont réfolu de venir à partage des terres, barthes & landes ; il n’eft point dit qu’elles veuillent venir à partage de leurs bois. Pourquoi donc fuppléer cet article qui n’eft pas énoncé, fi les bois euffent fait un des objets de l’acte de 1704 ? Il feroit inconcevable que l’acte n’en parlât point, c’eut été l’objet capital, l’objet effentiel, celui qui eût mérité le plus d’attention, comme étant le plus important; l’acte eft muet fur les bois, il exprime au contraire que les Parties ne viennent à divifion & partage que des terres, barthes & landes.
Dès lors il eft clair que les bois ne font pas partie de l’acte de 1704.
Et que dit-on pour jetter quelque nuage fur des chofes auffi frappantes ? On eft réduit à quelques faibles équivoques.
Les Parties, dans la narrative de l’acte, fe plaignent de ce que contre les défenfes portées par les ftatuts, flufieurs particuliers des deux quartiers ou Paroiffes, coupoient, fans aucune permiffion, toutes fortes de bûches & d’échalats dans leurs barthes, & auffi toute forte de fouftrage dans leurs landes.
Des bûches & des échalats, c’eft du bois, dit-on, & par conféquent l’acte parle des bois.
On ne contefte point que les bûches & les échalats ne foient du bois, mais c’eft du bois de vergne, du bois qui croît dans les barthes ; & peut-on dire pour cela que les barthes & les bernedes font des bois ? Peut-on entendre par-là des forêts de bois de chêne, comme le font ceux d’Arzet & de Saugnac ?
Faut-il recourir à d’autres preuves pour faire fentir que le terme de bûches, dans l’acte de 1704, ne s’entend que des bûches de vergne ? On n’a qu’à lire l’article 29 des ftatuts de 1624, où il eft dit : « Item, feront tenus les Abbés & Jurats, de s’affembler de deux en deux ans, pour voir en quels endroits la bûche de bern eft affez grande pour être coupée ».
Pour infinuèr que l’acte de 1704 (contre fes propres termes) contient & renferme les bois, on a fait un autre argument auffi peu folide.
Par l’acte de 1704, a-t-on dit, les Habitans de Saugnac fe réfervent le fouftrage, fougere, jonc & matte dans le bois de l’Efté : donc le bois de l’Efté eft partagé; car fans cela ils n’euffent pas eu befoin de fe faire de réferve dans ce bois.
Voici la réponfe, qui demande une attention particulière : on a dit que par l’acte de 1704, on partageoit, & on partageoit uniquement les barthes & les landes que chaque quartier fe reftreignoit à cet égard à fon côté du Lui.
Par conféquent les Habitans de Saugnac n’auroient eu plus rien à prendre, quant aux barthes & aux landes, du côté d’Arzet ; on fentit cette conféquence.
Mais comme, par ce partage abfolu des barthes & landes, Arzet en auroit eu plus que Saugnac, ou que du moins Saugnac n’en auroit pas eu affez pour fon ufage, que fit-on ? On réferva un feul canton du côté d’Arzet, pour que ceux de Saugnac continuaffent à y prendre du jonc, fougere, fouftrage & matte ; ce canton fut indiqué au bois de l’Efté.
S’enfuit-il de là que les bois même de l’Efté, les arbres fuffent partagés & qu’ils duffent appartenir à Arzet ? Non fans doute ; la fituation des bois demeuroit la même, on voulut feulement, par la réferve du jonc, fougere & matte dans le bois de l’Efté, prévenir la conféquence que les Habitans d’Arzet auroient pu tirer quant à cet objet, de la divifion fixée au Lui pour le Jonc, fougere & matte.
Le bois de l’Efté eft feulement excepté comme un lieu particulier, dans lequel Saugnac continueroit à prendre du jonc, &c. & l’on voit de même dans l’acte, par la claufe qui fuit, qu’on a fait une exception générale quant à la pierre & à la marne.
Mais puifqu’on a voulu faire de pareilles objections, qu’il foit permis d’en faire une à laquelle il eft impoffible de répondre : s’il étoit vrai, comme les Habitans d’Arzet le foutiennent, que l’acte de 1704 contînt un partage abfolu, général & indéfini, il s’enfuivroit que la prétendue focieté eût pris fin, qu’il n’y eût plus eu rien de commun entre les deux quartiers.
Et cependant l’acte de 1704 renouvelle les ftatuts, il devoit donc y avoir encore des objets communs; car il eût été abfurde de renouveller des ftatuts pour une Communauté qu’on eût éteint, & dans l’acte même où l’on préfuppofe cette extinction, fi le Lui eût dû former une féparation générale.
Il eft de plus remarquable que l’acte de 1704 caractérife lui-même les droits de propriété, puifqu’il y eft dit, que les portions des landes & barthes doivent demeurer inféparablement attachés aux Capcazaux, pour lefquels elles marquées & réputées une dépendance d’iceux.
L’exécution principale de l’acte de 1704, acheve de démontrer, s’il en étoit befoin, que cet acte ne concernoit pas les bois, & l’on s’eft bien gardé de fuivre nos preuves, qui font néanmoins autant de pieces nouvelles inconnues à la Cour avant l’Arrêt entrepris.
En 1705, partage fait uniquement des barthes & landes, & l’on y remarque le partage du fouftrage du bois de l’Efté, fitué dans Arzet, relativement à la réferve faite à cet égard dans l’acte de 1704.
En 1709, délibération des Habitans de Saugnac & Arzet, portant permiffion de faire fermer les barthes. Cette piece avoit à la vérité été produite par Lamieuffens, mais elle heurte de front fes prétentions : il eft bien évident que les deux quartiers ne s’étoient pas bornés refpectivement au Lui par l’acte de 1704, puifqu’en 1709 ils procedent en commun pour pouvoir clore & fermer les barthes, qui feules furent partagées par l’acte de 1704.
Mais faut-il quelque chofe de plus fort, ce font des Sentences, des actes juridiques. En l’année 1712, les Habitans de Saugnac font une information pour la coupe de quelque bois ; le 20 Août, même année, Sentence du Prévôt royal de Dax, qui donne main-levée au Jurat de Saugnac de deux chênes coupés dans le bois d’Arzet, pour être vendus, & le prix employé au profit d’Arzet & de Saugnac : cette Sentence fut fignifiée au Jurat d’Arzet, qui n’en réclama point.
Donc les bois n’avoient pas été partagés en 1704; donc en 1712, la copropriété des bois étoit reconnue, puifque les chênes coupés font adjugés à Saugnac & Arzet.
En 1714, il y eut une délibération capitulaire des deux quartiers, au lieu (eft-il dit) où ils ont accoutumé s’affembler pour traiter de leurs affaires communes, portant que les coupes de bois dont un fieur Larroque fe plaignoit avoir été faites pour les ufages communs des Habitans, conformément à leurs ftatuts.
En 1715, Sentence du Prévôt royal de Dax, qui condamne un Paul Darrigade à payer à la Communauté de Saugnac & d’Arzet un chêne qu’il avoit coupé dans les bois communs. Les Jurats d’Arzet, & ceux de Saugnac, font inftanciés dans l’Appointement : font-ce là des actes furtifs & clandeftins, comme on l’a reproché à l’Audience ?
En 1719, conteftation entre les Propriétaires-Habitans, & les Propriétaires-Forains, tant de l’un que de l’autre quartier, au fujet de la vente de quelque chêne; les Jurats fe préfenterent de part & d’autre; délibération capitulaire le 22 Mai 1720, au lieu, eft-il dit, où la Communauté a accoutumé s’affembler ; ils y dirent expreffément qu’il eft d’ufage, de tout temps obfervé, que les Propriétaires-Habitans font des ventes de chênes dans les Communaux.
Enfin, par Sentence définitive du 7 Septembre 1722 ; entre les Propriétaires-Forains & les Propriétaires-Habitans, qui annulle la vente faite par les Jurats & Habitans de Saugnac & Arzet, ordonne que les chênes feront vendus, pour le produit être employé aux affaires de la Communauté, & défend aux Jurats, Manans & Habitans de la Communauté de Saugnac & Arzet de faire à l’avenir aucune vente de chêne, ni aliénation des fonds communs, fans la participation des Propriétaires-Forains.
Et l’on fe contente fans rien répondre à ces pièces; (toutes en forme) de dire vaguement que ce font des actes fufpects, lorfqu’on voit qu’ils s’allient fi bien avec l’acte de 1704 ; toutes ces Sentences, tous ces actes font néanmoins communs aux deux quartiers.
De même, en l’année 1732, il fe fait une délibération capitulaire de Saugnac & Arzet. Ils font en commun la vente de quelques chênes dans les bois de la Communauté, pour la conftruction d’un bateau.
Jufqu’ici l’exécution de l’acte de 1704 prouve démonftrativement que cet acte, ne contient pas le partage des bois.
Cette preuve deviendroit même fuperflue d’après les propres difpofitions de l’acte de 1704.
Comme les Habitans d’Arzet n’ont rien à répondre à ces actes, ils fe font jettés fur le commencement des difcuffions que Lamieuffens fouleva ; ils ont parlé (& c’est par-là qu’ils commencent) d’une inftance particulière contre le fieur Curé ; il, y eut Sentence, il y eut appel, le Curé n’en fit point de fuite.
Et qu’eft-ce que tout cela décide vis-à-vis d’une Communauté qui n’étoit pas dans l’inftance?
Mais, en 1748, n’eft-il pas vrai que Saugnac & Arzet s’affemblèrent capitulairement au lieu de Pouy, « où les Habitans des deux quartiers ont accoutumé s’affembler pour traiter de leurs affaires communes »? N’eft-il pas vrai qu’ils y parlent des bois communs, qu’ils y confirment un droit de capcazal appartenant à une maifon appellée de Bourdot.
Viennent enfuite les tracafferies de Lamieuffens, dont la Communauté s’eft heureufement délivrée depuis quelques années.
On a prétendu que cet acte étoit, felon les apparences, l’effet des follicitations du Curé ; mais comment n’a-t-on pas apperçu la contradiction, dès que ce Curé ne fit point de fuite de rappel ?
Tout cela n’eft pas le procès, il faut examiner le droit, les actes, les preuves avec d’autant plus d’exactitude qu’il s’agit d’une Communauté : qu’on ne croie donc pas faire illufion en difant que la Communauté avoit été défendue ; elle l’étoit fi mal, faute de renfeignemens, qu’on pris le parti d’offrir une preuve teftimoniale pour prouver que depuis l’acte de 1704 les bois étoient reftés en commun.
Ce genre de défenfes étoit feul capable de décréditer la caufe des Habitans de Saugnac, en laiffant penfer qu’ils n’avoient pas d’autres preuves, dès qu’ils recouroient à ce foible moyen.
Quel befoin, en effet avoit-on d’offrir une preuve teftimoniale ? L’acte de 1704 ne prouve-t-il pas lui-même que les bois n’avoient pas été partagés ?
Tous ces actes capitulaires, ces Sentences géminées, qui ont fuivi l’acte de 1704, ne font-ils pas fupérieurs à une vaine offre de preuve teftimoniale ?
Mais on ne les avoir point, on ne les chercha point, & la Communauté devint la victime de la négligence de ceux qui étoient à fa tête, comme cela arrive fréquemment.
C’eft une Communauté, elle jouit du privilège des mineurs, elle revient avec des preuves écrites, avec une foule de pièces authentiques, elle implore, de nouveau la juftice de la Cour, & dès que le droit & l’équité font pour elle, ils s’érigent en moyens d’ouverture.
Ainfi, fans entrer:dans la difcuffion de chaque moyen en particulier pris dans la forme, il s’en préfente un qui eft frappant, auquel on fe borne.
Lamieuffens concluoit à ce qu’il fût ordonné que la tranfaction portant partage entre les deux Communautés, du 15 Avril 1704, .fût exécutée fuivant fa forme & teneur, & que les bois, cornme les autres biens des deux Communautés, demeuraffent divifés & partagés.
Lamieuffens demandoit donc que la délibération de 1704 fût exécutée felon fa forme & teneur ; cet acte contient dès réferves qui fe découvrent d’elles-mêmes, fans commentaire, par les propres termes de l’acte. Que prononce l’Arrêt ? rien du tout fur l’acte de 1704, il n’en eft pas dit le moindre mot.
Comme il s’agiffoit dans l’origine du procès de quelques arbres coupés, l’Arrêt ordonne que la légitime valeur en fera payée à ceux d’Arzet.
Et enfuite, fans parler en manière quelconque de l’acte de 1704, il eft dit : «au furplus, ordonnent lefdits Juges, que les bois, comme les autres fonds & biens communs de la Communauté d’Arzet, demeureront divifés & féparés le Lui, des bois & autres fonds & biens communs de Saugnac ; fait inhibitions & défenfes à Saugnac d’ufer en aucune manière des bois & autres biens communs d’Arzet.
Quel eft l’effet de cette prononciation ? C’eft que, par-là, on enlève au quartier de Saugnac les réferves contenues dans l’acte de 1704, fur le jonc & la fougere, dans le bois de Lefté, & la marne & la pierre.
Mais il ne s’agiffoit que des bois ; Lamieuffen lui-même demandoit l’exécution de 1704 ; comme fes référves font écrites en groffes lettres dans cet actes, l’exécution de l’acte demandée par Lamieuffens entraînoit l’exécution des réferves.
Cependant, par la féparation abfolue portée par l’Arrêt fur tous les fonds communs indéfiniment, on les laiffe à l’écart, & par là eft accordé à Lamieuffens plus qu’il ne demandoit.
Il ne refte plus qu’à faire féntir à la Cour les grands préjudices que caufent aux Habitans de Saugnac les difpofitions de l’Arrêt entrepris; pour en bien juger, la Cour eft fuppliée de jetter les yeux, fur la nature du Pays, & ‘fur la pofition refpeetive des deux quartiers.
Le bois du côté de Saugnac eft très-raccourci, il eft d’un grand tiers moins confidérable que celui d’Arzet, & les Habitans de -Saugnac font bien fupérieurs en nombre, les befoins par conféquent plus journaliers. La Cour n’a pas oublié que c’eft par ces raifons que les ftatuts règlent la coupe des chênes, au tiers dans Saugnac, aux deux tiers dans Arzet.
C’eft donc par pure imagination qu’on a prétendu que fi les bois de Saugnac font moindres, on doit en attribuer la caufe aux dégradations par eux commifes.
On conviendra bien qu’il y a, qu’il y a eu, & qu’il y aura toujours dans des Communautés des particuliers qui violent les ftatuts, dans Arzet tout comme dans Saugnac, & dans toutes les Communautés ; mais ces contraventions font réciproques quartier d’Arzet au quartier de Saugnac ; ces excès particuliers ont de tout temps été réprimés à Saugnac & à Arzet, vis-à-vis des Habitans de l’un & de l’autre quartier ; de là vient que la Communauté renouvelloit fes ftatuts pour leur donner une nouvelle force dans l’efprit de chaque Habitant, pour leur rappeller l’ordre & la difcipline : auffi voit-on dans ces ftatuts, des amendes, des peines prononcées.
C’eft donc à faux qu’on accufe les Habitans de Saugnac de dégrader leurs bois ; ils font trop intéreffés à leur confervation, puifqu’ils en tirent une partie de leur fubfiftance : les certificats de Lamieuffens ne doivent pas fans doute faire foi ; c’eft cet homme nourri dans les tracafferies & les procès, qui eft l’auteur des premières conteftations élevées entre les deux quartiers ; & en preuve, il fuffit de fe fixer fur les actes capitulaires du 18 Janvier 1735, 7 Février même année, & celui de 1736 ; c’eft là qu’on trouve le caractère de ce Lamieuffens, & à quel excès il fe portoit dans les affemblées des deux quartiers ; on s’apperçoit combien les deux quartiers défavoueront fes procédés.
La perte de la pierre forme encore un objet capital pour Saugnac ; les carrières fe trouvent dans le quartier d’Arzet ; M. le Procureur-Général pourra s’en convaincre à la vue du plan ; ce qui fait que n’ayant point du tout de pierre, & les bois n’étant pas fuffifans, les Habitans de Saugnac font journellement dans les plus grands embarras pour leurs maifons & pour les réparations.
La perte de la marne mérite feule la plus grande attention.
Les landes du quartier de Saugnac font fablonneufes & ne produifent prefque pas de fouftrage ; c’eft au moyen de la marne qui fe trouve dans les fonds gras du quartier d’Arzet, que les Habitans foutiennent, engraiffoient, entretiennent leurs terres; ils trouvoient d’ailleurs de la matte & jonc dans le bois del’Efté fitué à Arzet & réfervé par l’acte de 1704, une autre reffource pour le fumier, & fuppléoient par ce nouveau fecours à la ftérilité de leurs landes ; fe trouvant depuis l’Arrêt entrepris privés de ces reffources, ils font obligés de recourir au feuillage qui ne fuffit pas à beaucoup près pour l’engrais; de-là les maitéries ftériles qui découragent les bons cultivateurs ; ils font remplacés par d’autres qui font le rebut des Paroiffes voifines. M. le Procureur-Général peut voir dans le plan les carrières de marne dans le quartier d’Arzet.
Le glandage n’eft plus le même depuis l’Arrêt entrepris ; les Habitans de Saugnac ne peuvent plus nourrir de pourceaux avec la même facilité ; c’étoit cependant du produit de ces animaux qu’ils payoient une partie des impofitions.
Tels font les préjudices notables que l’Arrêt entrepris porte aux Habitans de Saugnac ; il les prive de leurs biens communs, de l’engrais de leurs terres, & les réduit à la mifère, tandis que les Habitans d’Arzet profitent de leurs dépouilles.
La juftice, l’équité, l’utilité publique, fe réuniffent en faveur des Habitans du quartier de Saugnac.
PARTANT &c, faifant droit des Lettres en forme de Requête civile impétrées par l’Expofant contre l’Arrêt de la Cour dudit jour 13 Août 1751, icelles entérinant, remettre les Parties au même & femblable état qu’elles étoient auparavant ; faire main-levée de l’amende, à la remife de laquelle le Receveur fera contraint par corps, & condamner le Syndic du quartier d’Arzet aux dépens : à quoi conclut.
Nota. Ce Mémoire fut fait en l’année 1768 par l’Avocat plaidant, & remis en manufcrit entre les mains de la Partie publique avec toutes les pièces, parce qu’on n’eut pas le temps de le faire imprimer.
Intervint là-deffus l’Arrêt fuivant.
EXTRAIT
Des Regiftres des Audiences du dernier reffort de la Cour de la Table de Marbre du Palais, à Bordeaux.
ENTRE Sieur PIERRE BOUNIOL, au nom & comme Syndic du quartier d’Arzet, Demandeur le déboutement d’une Requête civile, impétrée par le ci-après nommé, envers un Arrêt de la préfente Cour, le 13 Août 1751, d’une part ; & fieur Pierre Larroque, au nom & comme Syndic du quartier de Saugnac, Demandeur en Lettres en forme de Requête civile, par lui impétrées le 9 du mois d’Août 1752, contre un Arrêt rendu, pièces vues fur le bureau, en la Cour de la Table de Marbre, le 13 du mois d’Août précédent, avec dépens, d’autre. Dans les Arrêts précédens, ont été ouïs Cazalet & Robin, Avocat & Procureur dudit Larroque ; Duranteau & Brun, Avocat & Procureur dudit Bouniol ; & aujourd’hui le Procureur Général du Roi de la préfente Cour, les Juges ordonnés par le Roi pour juger fouverainement, en dernier reffort & fans appel, les procès des Réformations des Eaux & Forêts de France au Siège général de la Table de Marbre du Palais à Bordeaux ; fans s’arrêter à chofe dite ni alléguée par la partie de Duranteau, ni aux fins de non-recevoir par elle propofées ; faifant droit des Lettres en forme de Requête civile impétrées par la Partie de Cazalet, le 9 Août 1752, contre un Arrêt rendu en la préfente Cour le 13 du mois d’Août précédent ; icelles entérinant remettent les Parties au même & femblable état qu’elles étoient auparavant 1edit Arrêt ; en conféquence, font & octroient main-levée de l’amende confignée à raifon de ladite Requête civile, à la remife de laquelle le Receveur fera contraint par corps ; condamnent la Partie de Duranteau aux dépens envers celle de Cazalet. PRONONCÉ à Bordeaux, au dernier reffort de la Cour de la Table de Marbre du Palais, le vingt-huitième du mois de Juillet mil fept cent foixante-huit. Signé de M. LEBERTHON, Premier Préfident.
De l’Imprimerie de SIMON DE LA COURT, feul Imprimeur du Roi, rue du Cahernan, à Bordeaux.